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Le seul vrai hétéro
Le seul vrai hétéro
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17 juin 2019

Je perçois mieux ses défauts (dûs à son profil à

Je perçois mieux ses défauts (dûs à son profil à la fois psychologique et sociologique), or je n'ai fait que rêver d'une histoire possible (et elle ?). Preuve qu'il n'y a pas besoin du couple pour qu'ils naissent au regard : c'est seulement la durée qui les fait apparaître, indépendamment du statut de la personne, amour ou pas. Tout le monde est éblouissant, de toutes façons. 
(Assez peu de différence entre un amour vécu et un amour rêvé, maintenant je peux le confirmer – j'avais déjà senti que ce serait le cas et c'est bel et bien tout à fait ça : même impression d'étrangeté et de fugacité quand je repense à ce qu'elle a pu et voulu être avec moi, autant d'étrangeté en y repensant que quand je repense aux amours non réalisés ; tout passe aussi vite, on a à peine le temps de saisir l'amour qu'elle décide de l'arrêter, comme toutes celles qui n'ont jamais été au courant.)

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20 juin 2019

Je savais que son livre allait me parler fort,

Je savais que son livre allait me parler fort, puisqu'elle se proposait d'interroger ce qu'était une femme (elle dit en interview « je ne sais pas ce qu'est une femme », quel rafraîchissement d'entendre une fille dire cela !) ; mais oh, non, je découvre qu'elle dédie son livre à un mec ! “À Cyril”. Comment peut-on dédier un livre à un Cyril ? Pour la peine, je ne l'achèterai pas. 
Une semaine plus tard, tout bien réfléchi, je me rends compte que j'ai trop fait mon seul vrai hétéro : il faut justement que son livre me permette de l'être moins, ou tout du moins différemment. C'est de la même trempe que ce que j'aimerais pouvoir dire de mon côté (toutes choses égales par ailleurs). Donc oui, allez, malgré Cyril, je vais le lire. 

(Je parle de Louise Chennevière.)

26 juin 2019

À l'origine, au début de l'amour (ou au début de

À l'origine, au début de l'amour (ou au début de sa découverte en général, ce qui revient au même), il y a eu à la fois l'aisance (l'éclat de la joie inattendue) et la douleur (ou la tension, mais qui est aussi une douleur). Puis il y a eu vraisemblablement l'aisance seulement, puis possiblement uniquement la douleur. À la fin de l'amour, ça revient comme au début : à la fois l'aisance et la douleur. Douleur car épuisé par l'amour qu'on vient de vivre, éclopé par ses conséquences. Aisance car un abcès est crevé et on se met déjà à rêver d'autre chose, d'abord d'autre chose sans de l'amour (pour souffler un temps) puis d'autre chose avec possiblement de l'amour (on est curieux de savoir comment ça peut être autrement, autrement que celui d'avant).

29 juin 2019

Une pratique réellement libertaire et humaniste

Une pratique réellement libertaire et humaniste (qui serait celle du seul vrai hétéro) reviendrait à affirmer qu'on est chacun un paysage et que l'on peut donc souhaiter connaître et reconnaître à sa juste valeur (par quelque chose ressemblant à ce que l'on nomme l'amour) toutes les différentes versions, nuances résidant dans chacune des individualités croisées sur notre chemin : aucune voix n'est la même, écoutons l'idiosyncrasie que chaque fille est, choisissons de vivre avec toutes ces personnes en nous.

Ce que cette pratique ne serait surtout pas : une simple juxtaposition d'attachements sans contenus, d'affections vides et passagères, d'objets successifs. Car erreur totale sur ce que la fin du couple sous-entend : il ne s'agit pas de valoriser l'éphémérité sans visage ni la multiplicité en soi ; le problème de la relation unique, ce n'est pas qu'elle n'est pas assez, c'est qu'elle est trop ; quant à ce trop, il ne s'agit pas de le fuir mais au contraire de l'affirmer : l'amour est trop, trop de tout, il excède, il est fait pour durer, pour perdurer, par conséquent on ne pourra pas l'oublier quand on en aura connu un autre puis un autre. Donc non pas multiplicité, mais addition où chaque point persiste par son apport

Le libertairhétéro (seul vrai) insisterait sur l'intensité de la perpétuation plutôt que sur l'intensité de la fugacité ou de la coupure : tous les amours restent et coexistent, et non pas comme une chaîne d'équivalences abstraites mais comme une réunion d'individualités amoureuses irréductibles et irremplaçables

4 juillet 2019

Le seul mot non ridicule pouvant définir le

Le seul mot non ridicule pouvant définir le mouvement amoureux est curiosité : « qui est donc cette personne » ? Si on se le demande vraiment, que l'on en tire toutes les conclusions concrètes permettant de tenter de répondre à cette question, alors c'est que l'on est dans une situation d'amour. Ou d'amitié. Ou d'art. Je me suis fait croire qu'il s'agissait de trois étapes distinctes alors que l'on est dans un même flot. Ce sont différents angles du même flot, de la même curiosité. Cette personne avec un parfum d'art avec un parfum d'amitié avec un parfum d'amour.
Oui mais là on sent qu'on se dirige vers le ridicule. Cela, c'est sans aucun doute à cause du composant purement amoureux (qui s'illusionne par l'intermédiaire de la chair). Le composant purement artistique n'est également pas piqué des vers, on a souvent envie d'en avoir honte (il se fait croire qu'il est regard perçant alors qu'il n'est que regard perdu, au moins l'amour sait que sa vue ne consiste qu'à s'oublier comme vue). Seule l'amitié n'est pas ridicule ; qu'on la prenne par n'importe quel bout, rien ne cloche, c'est la nécessité.

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5 juillet 2019

Cette fois-ci, celle-ci, elle n'existera que

Cette fois-ci, celle-ci, elle n'existera que comme personne, jamais comme rêve. Je ne lui parlerai qu'avec ma bouche et ma peau (voire mes dents). Il va falloir que j'impulse l'échange de coordonnées, or elle n'est pas là quand cela doit se faire (c'est elle qui m'a proposé la première de bien penser à aller boire un verre un jour, vu que je vais changer de contrat précaire) : elle a posé sa semaine, qui est ma dernière ici. Je retrouve son adresse informatique quelque part afin de m'en servir comme voie de transmission de l'information souhaitée, or aïe, cela veut donc dire qu'une fois de plus, cela n'aura pas commencé dans du réel : j'attends avec fébrilité que des mots sur un écran me répondent à distance, en décalé, sans sentir le souffle ni voir se mouvoir l'appareil locutoire de la personne éventuellement souriante et ainsi flatteuse, rassérénante. Bref, râpé, une fois de plus !

7 juillet 2019

Je ne connaissais d'elle que des mots, elle

Je ne connaissais d'elle que des mots, elle allait donc forcément me plaire. Or, non. Dès que l'on s'est vus, elle m'a rappelé… non pas quelqu'un, elle ne me rappelait personne justement, c'était bien là le problème, non, ce que je voulais dire c'est qu'elle m'a rappelé que je lui avais dit, écrit quelques jours plus tôt sans coup férir qu'elle était une personne « merveilleuse » ou quelque chose comme ça (rire gêné de sa part lorsqu'elle évoque devant moi son nez-à-nez avec ce mot), juste parce qu'elle m'avait paru artistique. Et possible amour, par conséquent. Or, non. En la voyant, je ne voyais qu'une possibilité d'amitié vague ou légère ou trop ambitieuse dans sa légèreté concrète (tout cela revenant au même), ce dont je n'étais pas capable en cette époque (la preuve, elle me laissa un Artaud dont je ne sus que faire ; il faudra attendre ma première compagne pour en goûter les fruits, que je lui ai d'ailleurs laissés – ça tombe bien, les pages se détachaient). Je lui dirai beaucoup plus tard que j'avais été dans une mauvaise passe, histoire d'expliquer mon regard fuyant (fuyant la découverte flagrante de l'impossibilité de l'amour, la lourde déception du puceau gaga ; mais était-ce avant ou après la première agression par une bouche ? Ne pas savoir la situer est en tout cas révélateur !). Elle non plus n'allait pas bien, à cause d'une rupture avec un mec (déjà un, on les retrouvera ensuite partout sur notre chemin). En étais-je un à l'époque ? Oui, dans le sens où je semblais à la recherche de formes, d'atours plutôt que de contenus ou de paysages. Mais non, dans le sens où je n'acceptais de m'abandonner à aucune possibilité m'apparaissant comme inauthentique (quand j'accepterai, ce sera pour aller au bout de la honte, en me laissant faire).
« Je suis sûr que c'est bien, ce que tu fais ! ». J'avais encore tout caché de ce que j'étais (la preuve que je n'étais pas prêt). Il me semble qu'elle finira par tomber dessus, enfin, beaucoup plus tard (durant la même période où l'on s'expliquera les anciens regards gênés, les mots comme « merveilleuse », etc.). Elle aimera certains de mes parallèles, et m'apprendra qu'elle possède un chat (tout comme moi). Nous n'aimons pas le président de la République. C'est à peu près tout.

8 juillet 2019

Dans mon message, je ne voulais surtout pas

Dans mon message, je ne voulais surtout pas paraître mec (ce que je suis en partie dans la mesure où il y a une partie de moi qui espère bien pouvoir essayer de tenter quelque chose relevant de ce qu'on appelle l'hétérosexualité), tout en ne souhaitant pas non plus déverser tellement ma non-envie d'être un mec que je serais devenu cette monstruosité pseudo-poétique de dévoilement narcissique nommé le mec sensible : interdit donc de faire dans les tournures alambiquées, sibyllines ou tout bêtement littéraires. À partir de là, chaque mot pesé sera celui d'un mec en équilibre dans ses chaussures, net, concret, tellement revenu du fait qu'il puisse se soucier d'être un mec comme d'être un non-mec qu'il se contente de décrire l'état des choses : ainsi, je suis "tout à fait dispo" (sic), "si tu es toujours ok" (sic), "je pense connaître des cafés" (remarquons la subtile pusillanimité de ce “je pense connaître”, se situant au-delà de toute assurance virile comme de toute affectation non-virile), "voici donc mon numéro", "je pars juste à telle date, etc. mais sinon a priori je suis là, etc.", "donc n'hésite pas". C'est clair, sans fioritures, droit dans ses bottes. Je m'efforce ainsi tellement d'être juste un mec que j'espère dépasser les accusations de l'être vu que si je l'étais vraiment je me serais grimé en autre chose. 

Et si donc la stratégie, aussi bien pour mon adéquation à moi-même que pour mon adhésion fonctionnelle à l'hétérosexualité, serait d'être dans un premier temps juste une sorte de mec pour bien montrer que cela ne va pas bien loin, ne dit rien sur moi ni sur personne, que c'est comme par exemple me raser la barbe mais qu'ensuite c'est mon vrai moi qu'il s'agit de faire apparaître quand la confiance est acquise, à savoir tout le reste de ce qui est ma personne et que ni la masculinité ni l'hétérosexualité n'épuise ? Paraître tout d'abord normal, objectalement correct, pour ensuite aller au-delà de toute prescription existante ? "Dynamiter le système de l'intérieur", comme l'on dit vulgairement ?

9 juillet 2019

Ah tiens, donc elle aussi elle a l'air quelqu'un

Ah tiens, donc elle aussi elle a l'air quelqu'un de perturbée, d'anxieuse ? Comme moi, comme toutes les autres, comme nous tou.te.s ! Et pourtant j'ai pas fait exprès car ce qui m'avait marqué chez elle, entre nous, c'est que c'était tout à fait spontanément que l'adéquation se faisait, les mots (voire les actions) s'imbriquaient d'eux-mêmes, un peu comme avec elle, où dans sa petite chambre la journée s'était présentée comme elle se présentait, toute seule, on suivait ce qu'il fallait communément faire (sûrement pour ça qu'elle avait fini par me prendre la main et vous connaissez la suite). Il ne semble pas qu'il y ait tant de choses à dire sur elles deux, bien peu de choses s'additionnent finalement et on ne peut qu'en être étonné quand on s'aperçoit qu'avec celles où l'évidence de l'écho mutuel était moins directement frappant il a pu y avoir tant de faits développés (voire concrétisés). Comme si après tout l'imbrication spontanée ne suffisait pas ou bien au contraire suffisait trop, et la preuve c'est qu'elle (la première dont j'ai parlé dans ce texte) se trouve en plus posséder l'éternelle angoisse de toutes celles avec qui j'ai pu partager quoi que ce soit, je peux donc témoigner qu'avec elle non plus la légèreté ne suffirait sans doute pas à définir l'éventuelle relation, alors qu'on aurait pu le penser !

10 juillet 2019

Et pourquoi tu m'as pas fait des câlins ? lui

Et pourquoi tu m'as pas fait des câlins ? lui avais-je demandé (on avait dormi dans le même lit, c'était la première fois qu'une pareille chose m'arrivait). Elle m'avait répondu quelque chose comme c'est pas venu parce que voilà, je sais pas mais c'était comme ça, ça s'est pas présenté, c'est pas arrivé parce que ça s'est pas senti suffisamment pour que ça se fasse et puis c'est tout, bon... Elle usait d'un ton détaché et c'est tout ce que j'admirais (même si en ces temps je bouillais). Elle exprimait ainsi la réalité de la vie : elle faisait part de la certitude d'une situation tout en ne la justifiant jamais par des tournures relevant d'un quelconque destin invisible (les “il fallait que”, “ça devait”). Elle ne serait pas ma première copine mais cela ne serait pas à cause d'une fatalité voulant que les choses ne se passent pas ainsi. Le champ des possibles restait ainsi ouvert, qui plus est enrichi d'une plus grande lucidité vis-à-vis des situations (je lui dirai que cette « lucidité » serait dorénavant mon maître-mot, bien sûr je n'en fis rien). 

Je ne peux m'empêcher de considérer ainsi la voie à suivre : oui, sans doute que je suis porté vers toi parce que tu es une fille mais cela ne dit rien sur ce qui peut vouloir se passer ou pas, cela n'induit pas de fatalité du physique tout comme cela ne l'exclue pas délibérément, que cela se présente ou pas cela ne voudra pas dire que nous serons définis tout entier par ce qui sera arrivé ou pas, nous sommes tous les deux bien davantage qu'une tension en avant ou en arrière envers l'objet-paysage que nous percevons chacun chez l'autre !

27 juillet 2019

Résumé de l'épisode précédent : Il s'agit par ce

Résumé de l'épisode précédent : Il s'agit par ce blog de me saisir de cet élan d'évidence selon lequel c'est parce que je suis orienté avec un sentiment d'évidente nécessité envers les filles que je ne peux pas être un mec, afin de permettre une toute aussi nécessaire déconstruction de la masculinité qui se doit d'être la tâche de chaque mec pour qui être un mec n'est pas quelque chose d'évident. Après m'être longtemps englué lors de ma jeunesse dans une simple exaltation (perçue comme pressante à cause du parfum d'évidence) des filles en tant que filles (en tant que je les percevais comme filles), il s'agit désormais d'insister sur l'impossibilité (bien plus qu'un refus motivé par une répulsion, même si ça part en partie de là et fait par conséquent partie de la description complète des enjeux) d'être un mec. À partir de là, le seul vrai hétéro s'est trouvé face à deux écueils : ne pas dénier l'angle constituant la première vérité de sa perception et de sa parole, à savoir que seule l'évidence de l'objectal (appelée couramment l'orientation) permet de se concentrer avec sérieux et lucidité sur la problématique genrée (autrement dit : à la base de toute interrogation sur la nature du sexe social, il y a une force préalable de l'orientation, « réglée » ou dépassée ou pas encore par l'intervenant selon son degré de conversion à la transparence du discours et/ou du regard sur soi) ; il ne s'agit pas de partir de l'hétérosexualité pour n'aboutir qu'à l'hétérosexualité dans un éloge mystico-béat (souvent pratiqué à l'adolescence, c'est de bonne guerre), et bien que la conscience d'être le seul vrai hétéro ne puisse pas purement et simplement être considérée en terme graduel – comme une “étape à franchir” en vue d'autre chose – puisqu'elle est nécessairement présente à tous les moments du spectre, par sa force d'imposition irremplaçable qui définit toute évidence de l'objectal, cette contemplation d'un état, si elle ne veut pas risquer de verser dans un romantisme stérile, doit donc s'actualiser politiquement dans un véritable court-circuitage de la masculinité

Teaser de la prochaine saison : La triple vérité à laquelle je fais face (vérité de mon histoire interrompue, vérité du refus politique de la masculinité, vérité du statut existentiel présent où je suis rendu) peut être énoncée ainsi : un état physiquement amoindri ne peut pas être celui d'un mec car alors il n'est pas assez un mec : pour être mec, le mec doit être suffisamment un mec (en étant diminué, il est diminué en tant que mec).

28 juillet 2019

De la même manière que c'est à partir du moment

De la même manière que c'est à partir du moment où je me suis senti proprement diminué qu'une nouvelle aire d'intelligence et de confiance a pu être libérée dans ma boîte crânienne par la suppression d'une quelconque culpabilité relative à une quelconque faiblesse inhérente à ma psyché (elle ne dépendait pas de moi, par conséquent je pouvais me consacrer à comprendre le monde), c'est à partir du moment où je me suis mis à saisir ce qu'il y avait de non-aimable en moi, à savoir pourquoi je n'étais pas un mec aimable, à savoir pourquoi je n'étais pas un mec, que je me suis mis à enfin accepter la détresse passionnée que cette situation ne manquait pas de me faire vivre. J'étais diminué, je n'étais pas un mec : ça allait de pair avant même que je ne prenne conscience que cela relevait de la même unité de valeur, un mec diminué n'étant plus un mec mais autre chose, une sorte de possible satellite de la masculinité suivant ce qu'on lui accordera par ailleurs comme qualités plus ou moins légitimes, relevant plus ou moins d'une forme de compétence ou pas, mais ne pouvant quoi qu'il en soit pas être rattachées à tout ce qui caractérise un mec proprement dit.

31 juillet 2019

Ce n'était pas comme ça qu'il fallait que je

Ce n'était pas comme ça qu'il fallait que je sois. Je m'étais imaginé qu'elles avaient parlé de moi ce jour-là lorsqu'elles semblaient nous évaluer l'un après l'autre, alors que je ne pouvais décemment pas faire partie de la liste puisque je n'étais pas un mec à proprement parler. Je tentais vaguement de considérer l'éventuel succès de mes dessins grotesques et naïfs, ils faisaient semble t-il quelque peu sourire celle que nous avions élue comme une sorte d'égérie, tout en sachant que si elle riait de nous ce n'était sûrement pas de la façon dont nous aurions aimé qu'elle le fasse, pas nécessairement à nos dépends (du moins espérons-le) mais plus exactement comme l'on considère des êtres simplement touchants, frais, candides, ce que nous étions sans aucun doute mais en rêvant néanmoins de tenter parfois de jouer dans la cour des mecs par nos entreprises vaguement volontaristes (qu'allait-elle donc penser de ma chanson intitulée « Faire l'amour » dans la cassette que nous lui avions transmise, quelle audace !).

Pouvais-je continuer à être ainsi ? Celle qui me prendra une fois la main seulement quatre ans plus tard (ce qui est peu, à l'aune d'aujourd'hui) répondra en partie à la question : oui et non. Oui car il a dorénavant été prouvé que quelque chose pouvait se passer malgré le corps chaotique (mais il faut faire ça discrètement la nuit, en jetant le papier toilette dans la poubelle pour davantage de discrétion), et malgré la nette sensation de faiblesse anti-virile (désormais expliquée) que je me traîne sur mes deux jambes : impossible de coordonner mes doigts sur la guitare, elle tente de me les placer mais on ne peut rien y faire, j'ai bien trop mal à la tête, et l'essentiel semble après tout résider dans ma propension vocale à une androgynie semble t-il « magnifique » (ou adjectif similaire), mais d'ailleurs cela favorise t-il mon cas ? Eh bien NON car à cause de mon souhait d'avoir cette voix et aucune autre je ne peux faire valoir que je suis une sorte de seul vrai hétéro car ce n'est pas à cela qu'elle sert mais seulement à me complaire dans une douceur soulageante qui me sauve de mes atteintes, donc c'est pipé (gêné quand dix ans plus tard elle lira devant moi l'inscription suivante sur la même cassette précédemment citée, dans la partie présentation de l'artiste : « regarde les filles », au sein d'une liste d'auto-définitions, comme si j'avais écrit « est né là-bas », preuve de ma propension jadis à la monstration appuyée, quelque peu compensatoire de tout le reste, désormais récusée car c'est encore trop). 

D'ailleurs, jamais vraiment su si dans son regard il y avait avant tout de l'attendrissement ou avant tout une sorte de reconnaissance. (Il faut dire que je suspecte toujours la compassion à cause du fait que ma maman est morte.)

4 août 2019

Je suis autant triste du fait que par ma présence

Je suis autant triste du fait que par ma présence je ne l'aurais pas préservée de moi (de mes atteintes) que de me dire que cela n'arrivera jamais puisque cela ne se fera pas entre nous. Mais je m'aperçois heureusement que je ne peux pas être triste de la préserver de moi (car alors elle a la chance de ne pas me connaître), comme je ne pouvais pas être triste d'être nul quand l'on a choisi d'arrêter avec moi (car alors il y avait une raison) ; c'est à partir du moment où je ne me suis plus senti nul que les problèmes sont arrivés, car alors plus rien ne s'expliquait. En allant mal (et donc en ne la connaissant pas), je suis soulagé de me dire qu'elle est prémunie contre mon éventuel malheur de ne pas pouvoir me sentir suffisamment bien en sa présence.

7 août 2019

Le différentialisme a raison sur au moins un

Le différentialisme a raison sur au moins un point, ou plutôt deux mais qui n'en font qu'un : marre de ne devoir admirer que des mecs, ou des filles qui se hissent façon mecs, il faudrait pouvoir admirer aussi des filles en tant que filles, avec des qualités qu'elles ont parce qu'elles sont filles ; ce qui suppose donc (second point qui n'en est pas un) de reconnaître ce qu'à l'heure actuelle la socialisation féminine crée comme qualité positivement inestimable et révolutionnaire, ce qui reviendrait ainsi à crier non pas « toutes et tous éduqué.e.s pareil ! » mais « toutes et tous éduqué.e.s comme des filles car on voit qu'elles sont globalement mieux donc profitons de ces acquis, ajoutés aux facilités sociales jusque là gardées par les mecs, ainsi le monde changera vraiment car le pouvoir ne sera plus le même ! ». Le seul vrai hétéro, même le plus farouchement matérialiste, ne peut qu'être tenté par ce différentialisme, sinon il se nierait, il nierait ses sentiments ; bien entendu, aimer les filles c'est aussi affirmer qu'elles peuvent tout être, et même tout sauf des filles si ça leur chante, mais l'on est obligé de reconnaître qu'elles ont quelque chose à elles et même si c'est purement accidentel, purement « construit socialement », comme on dit, c'est tellement mieux que tout le reste que l'on ne peut pas ne pas le célébrer.

9 août 2019

Au début c'était une cruauté supplémentaire,

Au début c'était une cruauté supplémentaire, maintenant au contraire c'est une façon de me faire une idée : je me dis que non seulement on n'est plus ensemble, mais qu'en plus elle n'est plus là, elle n'est plus la même, je ne la ressens plus comme étant la même. Ce n'est pas uniquement parce que je ne la perçois plus pareil (je ne vois pas ce qui serait arrivé à ma perception, elle est à peu près la même qu'au début et c'est bien là que réside la tristesse). Ce n'est pas non plus parce qu'elle ne serait plus la même avec moi, il ne me semble pas que ce soit central car je retrouve encore son genre de réaction, de moue, de sourire. C'est tout simplement qu'elle n'est plus la même en soi, elle a perdu quelque chose de quand on était ensemble, et pas forcément parce qu'on n'est plus ensemble, même pas forcément besoin d'une telle causalité, c'est ça le pire, c'est l'absence de la certitude de cette causalité-là : l'impression qu'elle n'est simplement plus la même parce que d'autres choses se sont passées, ailleurs, en elle, sans moi. 

12 août 2019

Avec ce mec sympa (mais c'est pas du jeu, ça

Avec ce mec sympa (mais c'est pas du jeu, ça compte pas, je suis sûr qu'il est homo donc c'est plus facile d'être sympa quand on ne se sent pas dans l'obligation d'être un pur mec au sens d'un mec qui se pense avant tout comme mec), on se demande pourquoi elle n'a pas répondu à mon message. Je la recroise sans oser lui demander. J'en profite également ce jour-là pour me rendre compte que je ne suis pas sûr qu'elle me plaise : ainsi je me dis qu'il peut encore plus se passer quelque chose de salutaire, d'inattendu, que je serai moins impatient qu'il se passe quelque chose. J'aimerais tellement n'être plus du tout un mec (je me sens déjà suffisamment mal à l'aise en l'étant un petit peu), mais pour cela encore faut-il que cette fille ne me plaise ni trop ni pas assez : si c'est trop, je m'illusionne de façon autocentrée, je mets tellement tout dans sa personne que finalement elle est vidée d'elle-même ; si c'est pas assez, c'est que je ne l'apprécie pas en tant qu'elle-même mais simplement comme respiration générale, possiblement désincarnée, avec donc là aussi un manque de curiosité pour son individualité. Ce trop et ce pas assez reviennent au même : dans les deux cas je ne suis pas suffisamment réceptif à la spécificité.

Lorsque je me rends compte qu'elle est une fille, donc possiblement tout et rien, mais donc bel et bien une fille, une certaine fille (à savoir que ce serait manquer quelque chose de ne la considérer qu'en tant que fille mais que ce statut la rend néanmoins exceptionnelle à mes yeux), il y a davantage de chances d'apprécier la vie sous un jour riche et varié : si tel jour elle ne me plaît pas alors que j'ai cru qu'elle me plaisait, cela veut bien dire que la vie avec elle pourra être tout ce qu'on voudra bien vouloir, entreprise facilitée par le fait que je suis carrément aimanté vers elle, curieux d'elle de par mon orientation indissolublement existentielle et sexuelle, sexuelle parce qu'existentielle et vice-versa ! Curieux de tout ce qu'elle peut me faire éprouver comme surprise, dans un sens ou dans un autre. Je suis le seul vrai hétéro.

14 août 2019

Je m'aperçois (je l'avais presque oubliée) que

Je m'aperçois (je l'avais presque oubliée) que j'ai rarement ressenti autant de tendresse, étant donné qu'elle avait quelque chose de particulièrement touchant dans sa façon d'être, de s'exprimer, de réagir. Une douceur spontanée. Mais la chose la plus désolante ce n'est non pas qu'il n'ait rien pu se passer (car après tout, là encore, quel rapport cela aurait-il eu avec elle ?) mais que je ne puisse exprimer ça que par des signifiants ayant trait à la douceur, sans pouvoir les faire correspondre à des contenus plus charpentés. Je l'ai donc peu connue, mais tout ce que j'ai connu d'elle me semble exprimer tout ce qui me fait être hétérosexuel, constatation à la fois exaltante (il y a de l'enthousiasme dans ce constat, j'ai envie de continuer à y être, cela m'éclaire dans tous les sens du terme) et un peu désolante car au final, oui, j'ai vécu cette douceur comme indémêlable d'un désir puissant, tout sauf doux, pour celle-ci (elle doit être la seule fille inconnue – ou peu connue – dont j'ai été proprement curieux de l'intimité, pourquoi elle en particulier, parce que cette puissante douceur ressentie). L'impression d'en revenir, par tous les bouts, à la sexualisation malgré que celle-ci s'efforce sans cesse de se dépasser (mais vers quoi, vers une totalité fumeuse qui contiendrait bel et bien avant tout l'affirmation incandescente de cette sexualisation désormais perçue comme noble ?). Pfff, je suis le seul vrai hétéro...

17 août 2019

Sait-elle que je vais écrire un texte sur elle,

Sait-elle que je vais écrire un texte sur elle, surtout sur sa main, sa main qui a touché le fruit que je lui avais acheté ? Il faudrait écrire aussi sur ses yeux, son sourire et ses cheveux, mais déjà trop donné. Tout mon passé de cœur d'artichaut s'est résumé à ça, à ce trip consistant à s'amuser à se demander « et sait-elle que etc., alors que je ne la connais pas le moins du monde, que je ne fais que la croiser dans la vie ? ». À l'époque, ce que l'on nomme l'amour se résumait à cela : leur être physique, leurs gestes s'imprimaient en moi et me suivaient tout le jour, m'accompagnaient en boucle. Ce n'était qu'incarnation, que chair et je tentais de faire comprendre à mon alter-ego que je trouvais ça plus beau que tout, je disais plus intense et même plus pur (je faisais exprès pour l'embêter, lui le romantique). 

Au bout d'un moment, il a bien fallu correspondre au modèle : l'amour ce serait s'intéresser particulièrement à une individualité. Il est vrai que je ressentis le besoin (sans doute créé de toutes pièces, mais comme tout) de me concentrer sur un être en soi. J'en choisis une et je projetai par conséquent tout ce que je dus projeter, il fallait bien ça. Bon, c'était un mime grotesque mais il y avait l'idée de trouver une idiosyncrasie. Et c'est vrai que cette sorte d'amour-là (l'autre amour, comme je pourrais l'appeler, étant donné qu'il vint en second) permet d'apprendre à ne pas l'extraire du reste de la vie ; c'est bien cette personne que l'on vise, qui correspond à des choses du monde (possibles vues communes, etc.). Et en effet, quand j'en vivrai vraiment (fini le mime), ce sera tout à fait ça : quelle personne c'est, dis-donc, sacrée personne !

Deux façons, donc. La première présente des manifestations mentales communément rattachées à l'amour (sic) mais n'est justement que pure incarnation, tellement incarnation que l'on pourra trouver qu'elle est désincarnée (objection que je conçois, bien que je la récuse). La seconde permet de vraiment s'ouvrir à la personne en une visée commune mais possède également un risque d'hypostase désincarnante : on recherche alors telle qualité, telle donnée (pour lesquelles on ne manque pas d'exigence) ; qui plus est, je ne peux m'empêcher d'y mettre une certaine distance, la distance que j'ai à l'égard de la vie en général : je considère la chose en soi et oui, souvent, j'aime en soi profondément (j'aime elle en soi, en tant qu'elle), mais il peut alors possiblement y avoir un décalage par rapport à ce que j'aimerais pour moi ; en gros, qu'est-ce que j'apprécie cette personne (goût maîtrisé) mais pas sûr qu'elle soit appréciable pour moi (sensibilité que je ne maîtrise pas).

Pas le même genre de distance dans les deux : dans la première, distance de mon être objectif (je n'existe alors pas vraiment, seule elle existe), tandis que mon moi prend toute la ferveur pour lui ; dans la seconde, distance de mon moi qui laisse tout le jugement à l'être objectif obnubilé par sa concrétisation. On s'accomplit sûrement mieux par la seconde sorte, mais la première ne dit-elle pas davantage quelque chose de ce que l'on est, de ce que l'on aimerait, des élans qui nous animent ?

18 août 2019

Dans cette chanson, elle s'adresse à un “robot

Dans cette chanson, elle s'adresse à un “robot boy” et lui dit « you are the object of my affection ». Si je dois la chanter un jour, comment ferai-je ? Quelle stratégie adopter ? Remplacer par “robot girl” ? Impossible car pas de symétrie possible (symétrie rarement possible dans un monde dominé par les mecs hétéros) : avoir une “robot girl”, lui dire qu'elle est un “objet”, ce n'est pas pensable, ce n'est pas ce que je veux être. Je ne suis pas un mec. Donc garder “robot boy”, oui mais alors ça devient homo ? Mais non pas du tout, c'est juste épouser pleinement le fait d'être une fille, bref le but ultime d'ouverture vers elle du seul vrai hétéro. Donc la chanter comme ça, en m'efforçant le plus possible d'être une fille, de me sentir fille. Et si cela doit passer par être hétéro (en l'occurrence être orienté vers un mec), tant pis, faut souffrir parfois pour atteindre ce qu'on veut atteindre.

Et c'est vrai que si je me mets en condition, que je me mets vraiment à la chanter en me concentrant sur ma voix, en prenant la plus jolie voix possible, la plus juste, celle que j'appelle la plus douce, il y a quelque chose qui se passe, je me dis que j'ai atteint quelque chose, je l'ai atteinte, elle, dans ce qu'elle est ou tout du moins dans ce qu'elle semble être, dans ce qu'elle semble éprouver à ces moments. Et là ça me rend particulièrement tout chose. Je suis le seul vrai hétéro.

19 août 2019

Je ne m'étais jamais senti aussi certain de

Je ne m'étais jamais senti aussi certain de pouvoir compter, certifié d'exister. Même si cela se faisait à distance (et je dirais même d'autant plus, preuve que le virtuel n'amoindrit rien), je sentais qu'elle m'attendait. Ce n'était pas à proprement parler son amour qui me remplissait, pour le coup il m'agressera plutôt puisque j'aurai alors l'impression de subir son assaut (envers mon épaule, envers ma bouche, bref envers ce que l'on appelle son intégrité). C'était tout simplement d'apprendre que j'existais bel et bien pour quelqu'un.

Lorsque je me demande « à quelle sorte d'amour correspond le plus l'affection que l'on nous porte ? » (à la sorte “aimantation physique” ou bien à la sorte “recherche d'union morale”), je ne sais que répondre. Bien sûr qu'il est idéalement présent dans les deux, mais je vis sa présence autrement, je vis sa présence comme relevant d'une nature proprement autre, d'une définition plus fondamentale : c'est tout simplement sentir qu'on existe. « Sentiment que l'on ressent dans les deux sortes », me répondrez-vous, mais pas forcément, il m'est arrivé de ne pas le ressentir alors que j'étais bel et bien immergé dans l'une des deux. L'impression que dans la première on est trop accaparé par le fait de rechercher l'intensité sensitive et imaginative, et que le but de la seconde est de se mouler sur une forme sociale (le fameux couple) dont l'établissement ne dit rien de la reconnaissance mutuelle ou non de l'existence pleine et entière de chacun – particulièrement dans son cadre nucléaire bourgeois, conçu pour d'autres finalités que celle-ci.

21 août 2019

Dans cette essayiste et militante que j'admire,

Dans cette essayiste et militante que j'admire, j'y vois un peu d'elle : tendue dans une affirmation, s'époumone, est toujours juste même quand est excessive, semble ne pas prendre en compte certaines données mais justement pour en affirmer d'autres qui n'auraient pas pu advenir dans une simple exposition froide... Quelle personne ! Je ne pouvais m'empêcher de l'aimer, même quand elle me faisait mal, quand elle ne se laissait pas arrêter par l'état émotionnel de la situation. Mon être objectif n'a jamais perdu la conviction qu'il fallait que je sois avec elle, tandis que mon moi diminué encaissait ce qu'il pouvait et ne savait pas quoi faire de ce qu'il ne pouvait pas. Et ne saura pas quoi penser de ce qui arrivera.

22 août 2019

Les litanies blanches “le voile met une distance”

Les litanies blanches “le voile met une distance” sont d'autant plus délirantes qu'elles me rappellent mes premières intolérances, celles que j'avais à l'égard des fards. Adolescent, il fut un temps où je déclarai que toute fille qui se maquillait était en dehors de mon monde, qu'elle ne méritait pas ma considération. Position de plus en plus intenable lorsque jour après jour, l'une après l'autre de mes égéries tombait sous le joug oppressif que j'avais édifié comme la pire des trahisons politiques. Reste donc ce constat universel : le mec non-réflexif prétend toujours déterminer qui est la vraie fille, même et surtout quand il la façonne comme la fille s'étant émancipée d'être fille, seul effort permettant à ses yeux de pouvoir la définir comme une fille digne de ce nom

23 août 2019

À chaque fois il faut qu'elles fassent comme si

À chaque fois il faut qu'elles fassent comme si je n'étais pas là, ou plutôt comme si je n'étais pas un mec. C'est ce que j'ai donc conclu, puis voulu (vous avez fini par le comprendre). Elles se racontent tout dans les détails en ma présence, entre copines, parfois même l'une d'entre elles pleure et je m'en souviens encore des années après (« comment elle va, ta copine qui avait pleuré il y a quatorze ans concernant ses affaires de cœur ? »). La dernière fois, elles parlaient de maladies de leur sexe ; cela ne me dérangeait pas dans l'absolu, mais alors que l'une d'entre elles se rendait compte de la gêne possible en me lançant un « mais peut-être que les mecs aussi parfois vous... », auquel je ne rétorquai rien, il me prit l'envie secrète de m’y mêler en les avisant de ma situation : « quant à moi dans cette zone-là ça ne va pas non plus, pollakiurie, hypertonie, sans compter le kyste que je vais bientôt me faire enlever dans le coin, avec des dégâts collatéraux que vous pouvez déduire ». Aurait-ce été la réaction d'un macho égotique, qui voudrait rester le seul à se plaindre de son sexe, qui se plaindrait qu'elles s'en plaignent ? J'aurais bien sûr voulu l'inverse : la subversion de celui qui dévoile la perte de sa virilité. Reste l’asymétrie bien connue : le dévoilement masculin titille son sexe sexuel (il y a à perdre et à gagner au sein d’une compétition) tandis que le dévoilement féminin témoigne d’un sexe-condition (le fardeau éternisé par la fatalité divine).

25 août 2019

Mais si l'on m'avait dit à l'époque que la seule

Mais si l'on m'avait dit à l'époque que la seule façon d'être amoureux que je connaissais jusqu'alors ne reconnaissait pas assez la confrontation à l'individualité, par sa complaisance dans de simples rêveries hyper-incarnées, j'aurais répondu que cette hyper-incarnation, à la base de tout fétichisme pratiqué par homo sapiens en ce domaine, représentait le summum de l'attention à l'individuel. Ce n'était pas n'importe quel sourire ni n'importe quels cheveux qui me plaisaient, c'était ce sourire, ces cheveux. À elle. Certes, il y avait aussi le sourire et les cheveux d'elle (une autre) qui me faisaient quelque chose, mais ce quelque chose qu'ils me faisaient n'était justement pas le même : c'était un autre sourire, d'autres cheveux ; un certain sourire, de certains cheveux. Ma ferveur me semblait tout autant tournée vers leur individu que ne l'aurait été celle d'un prétendant fidèle, monothéiste. Mon polythéisme ouvrait la voie à l'amour de la seconde sorte (celui qui se concentre sur un seul objet-paysage), dans la mesure où chacune était irremplaçable, aurait manqué dans ma vie si elle n'avait pas été là, simplement là. Enfin, cet édifice mental témoignait du caractère sérieux de la chose physico-charnelle : il ne fallait pas rigoler avec, c'était précieux, sacré, vibrant. Le summum du mysticisme (il m'est donc apparu ensuite que pour devenir réellement amoureux – tel qu'on l'est dans les formes – il fallait devenir un peu moins prophète, un peu plus prêtre : le dogme en serait moins éclatant, plus circonscrit mais peut-être ainsi plus efficace sur la durée, me permettant de vivre l'amour dans le monde et non hors de celui-ci).

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